
Les laboratoires de recherche et de diagnostics génèrent d’importantes quantités de déchets, en particulier des consommables plastiques à usage unique. Dans le domaine de la biologie médicale, de nombreux consommables (boîtes de culture, tubes, pointes, etc.) ne sont utilisés qu’une seule fois afin d’éviter tout risque de contamination. Cette pratique, bien qu’indispensable sur le plan sanitaire, engendre un volume considérable de déchets plastiques incinérés ou mis en décharge en fin de vie. Face à cet enjeu, la mise en place de stratégies d’économie circulaire en laboratoire devient cruciale : réduction à la source, réemploi du matériel fonctionnel, et recyclage des matériaux pour leur donner une seconde vie. Plusieurs initiatives émergent pour répondre à ce défi, comme des plateformes d’échange d’équipements scientifiques ou des programmes de recyclage des consommables. C’est dans ce contexte que l’entreprise française bioMérieux a développé un projet novateur visant à recycler et réutiliser le plastique de ses laboratoires.
L’initiative BIOLOOP de bioMérieux : recycler les boîtes de Petri
bioMérieux, leader des diagnostics in vitro basé en France, a lancé en 2024 le projet BIOLOOP™, une initiative pionnière d’économie circulaire appliquée aux consommables de laboratoire. L’objectif est ambitieux : récupérer les boîtes de Petri contaminées après usage (considérées habituellement comme déchets biologiques à risque), afin d’en recycler le plastique et de l’intégrer dans la fabrication de nouveaux produits. Concrètement, le projet vise à créer une boucle vertueuse où les boîtes de Petri en plastique polystyrène servent de matière première recyclée pour de nouvelles boîtes, au lieu d’être systématiquement incinérées. Selon Lucie Deprez, cheffe de projet BIOLOOP, ce modèle circulaire permettrait de réduire significativement les émissions de CO₂ associées à la production de plastique vierge et à l’incinération des déchets en fin de vie. Le projet a reçu un soutien de l’ADEME (Agence de la transition écologique), témoignant de son caractère innovant et de l’intérêt public pour la valorisation des déchets de laboratoire.
Mise en œuvre : collecte, désinfection et recyclage
Le déploiement de BIOLOOP s’est déroulé par étapes, avec la collaboration de laboratoires partenaires:
- Collecte sur site : bioMérieux a d’abord développé un système de tri et de collecte dédié aux boîtes de Petri usagées directement au sein des laboratoires pilotes. Des conteneurs spécifiques DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux) ont été fournis aux clients participants pour recueillir exclusivement les boîtes de Petri après utilisation.
- Désinfection sécurisée : Une fois collectées, les boîtes sont soumises à un traitement de désinfection poussé afin d’éliminer tout risque infectieux. Ce protocole garantit que le plastique récupéré ne présente plus de danger sanitaire, condition indispensable avant son recyclage. Des tests de désinfection ont été menés tout au long de 2024 pour valider l’efficacité du processus.
- Recyclage du plastique : Le plastique désinfecté (polystyrène cristal des boîtes de Petri) est ensuite acheminé vers une filière de recyclage matière. bioMérieux conduit des essais techniques de broyage et de recyclage, suivis de tests de moulage par injection du plastique recyclé. L’objectif final est de produire un matériau recyclé de qualité suffisante pour être réincorporé dans la fabrication de nouvelles boîtes de Petri ou d’autres consommables de culture.
- Réutilisation en boucle : Si ces étapes se révèlent concluantes, le plastique recyclé sera intégré dans la chaîne de production de bioMérieux, bouclant ainsi la boucle. En clair, les boîtes de Petri neuves contiendront un pourcentage de plastique recyclé issu des anciennes boîtes – un bel exemple de circularité appliquée aux équipements de laboratoire.
Cette démarche a démarré par une phase d’expérimentation régionale en France. Dès mi-2024, bioMérieux a initié des essais de faisabilité sur le tri, la collecte et la décontamination des boîtes usagées. En décembre 2024, un pré‑pilote a été lancé avec un partenaire spécialisé dans la gestion des déchets infectieux et un petit groupe de laboratoires clients (cinq sites pilotes). À ce stade, les tests de désinfection étaient encore en cours et le plastique n’était pas encore effectivement recyclé, l’accent étant mis sur la mise en place des procédures de tri et de collecte. Les premiers résultats se sont révélés encourageants, permettant d’envisager l’extension du programme. BioMérieux prévoyait ainsi d’élargir progressivement l’initiative à d’autres clients en France une fois la faisabilité confirmée.
Impact et perspectives
Bien qu’encore en phase de test, l’initiative BIOLOOP laisse entrevoir un impact environnemental très positif. En récupérant et réutilisant la matière plastique des boîtes de Petri, bioMérieux anticipe une réduction importante de son empreinte carbone liée aux consommables de laboratoire. D’une part, moins de plastique vierge sera produit (donc moins de pétrole consommé et de CO₂ émis pour sa fabrication), et d’autre part, la diminution de l’incinération des déchets infectieux évitera des émissions supplémentaires. Ce projet s’inscrit pleinement dans les engagements RSE de l’entreprise et aide également les laboratoires clients à atteindre leurs propres objectifs de décarbonation. À l’échelle du groupe, bioMérieux s’est fixé une cible ambitieuse : recycler au moins 85 % de ses déchets d’ici fin 2025 (référencé par unité de chiffre d’affaires). L’initiative BIOLOOP contribue directement à cet objectif en créant une filière pionnière de recyclage pour une catégorie de déchets jusqu’alors peu valorisée en laboratoire.
Si les phases pilotes aboutissent, BIOLOOP pourrait être déployé à grande échelle. À terme, tous les utilisateurs de boîtes de Petri de bioMérieux pourraient bénéficier de produits intégrant une part de plastique recyclé, sans compromis sur la sécurité ou la performance. Cela démontrerait qu’il est possible d’améliorer la santé tout en préservant l’environnement, en repensant en profondeur les processus et les habitudes du secteur. BioMérieux illustre ainsi concrètement comment une entreprise de sciences de la vie peut adopter une stratégie circulaire dans ses laboratoires de R&D et de contrôle qualité. En transformant un déchet contaminé en ressource pour de nouveaux produits, le projet BIOLOOP ouvre la voie à d’autres initiatives similaires en France et en Europe, et constitue un exemple inspirant à mettre en avant pour la communauté scientifique soucieuse de durabilité. Les prochains mois seront décisifs pour confirmer les résultats techniques et valider ce modèle innovant de recyclage en laboratoire.
L’initiative BIOLOOP™ de bioMérieux illustre parfaitement comment une entreprise peut transformer une contrainte environnementale en opportunité d’innovation. En favorisant la récupération et la revalorisation des plastiques de laboratoire, elle ouvre la voie à une gestion plus responsable des ressources.
Chez Recyclab, nous partageons cette vision : donner une seconde vie au matériel scientifique n’est pas seulement une question d’économie circulaire, c’est aussi un levier concret pour réduire les coûts, soutenir l’innovation et prolonger la durée de vie des équipements. Ensemble, ces initiatives prouvent qu’une recherche performante et durable est déjà à portée de main.
Image : Biomerieux
Sources :
bioMérieux (2025), bioMérieux embarque ses clients dans une initiative d’économie circulaire (BIOLOOP™) : https://www.biomerieux.com/corp/fr/qui-nous-sommes/actualites-societe/biomerieux-circular-economy-initiative-bioloop.html
Food Business Middle East & Africa (avril 2025), bioMérieux pushes for sustainable solutions in lab plastic recovery : https://www.foodbusinessmea.com/biomerieux-pushes-for-sustainable-solutions-in-lab-plastic-recovery/