
Le monde de la recherche est en pleine mutation face aux enjeux environnementaux. Si la quête de savoir reste au cœur de l’activité scientifique, il devient de plus en plus évident que cette activité doit s’inscrire dans un cadre plus responsable. Parmi les leviers d’action, le recyclage en laboratoire, longtemps marginal, gagne en visibilité et en pertinence.
Mais où en sommes-nous concrètement en France ? Quels sont les chiffres disponibles ? Et quelles perspectives s’ouvrent pour la filière scientifique ?
Un contexte national encore peu favorable
En France, selon les données du ministère de la Transition écologique, la production totale de déchets s’élevait à 345 millions de tonnes en 2022, soit environ 5,1 tonnes par habitant. Si les secteurs du bâtiment et de l’industrie concentrent l’essentiel de ces volumes, les activités scientifiques et techniques génèrent également des flux de déchets complexes : plastiques à usage unique, solvants, réactifs chimiques, appareils électroniques, consommables, etc.
À l’échelle nationale, le taux de recyclage des déchets non minéraux non dangereux atteint environ 46 %, ce qui reste en dessous des objectifs européens. Mais pour les déchets issus des laboratoires, ces chiffres sont difficiles à isoler : les flux sont souvent catégorisés avec les déchets industriels banals ou les déchets dangereux, ce qui rend leur traçabilité spécifique délicate.
Autrement dit, la problématique du recyclage scientifique reste encore largement invisible dans les statistiques globales.
Une empreinte environnementale significative
L’impact écologique des laboratoires n’est pas anodin. À titre d’exemple, selon une étude publiée par My Green Lab en 2023, les laboratoires seraient responsables de près de 2 % des émissions mondiales de CO₂. Cette empreinte provient notamment de l’énergie consommée par les équipements, de la climatisation, mais aussi de l’usage intensif de plastique à usage unique — notamment dans les laboratoires de biologie ou de chimie.
D’après le Sénat, le recyclage du PET, un plastique très utilisé dans les laboratoires, permet d’économiser jusqu’à 70 % des émissions de CO₂ par rapport à une production neuve.
Le gain énergétique est également significatif : jusqu’à 83 % d’énergie économisée en recyclant ce matériau. Ces chiffres montrent à quel point les enjeux sont importants, même à l’échelle d’un établissement de recherche.
Des initiatives qui se multiplient
Face à ce constat, des initiatives se mettent en place. Le programme Labos 1point5, lancé par des scientifiques français, a pour ambition de mesurer et de réduire l’empreinte carbone de la recherche publique. Il met à disposition des outils pour aider les laboratoires à quantifier leurs impacts et à identifier des leviers d’action, dont le recyclage fait partie.
L’Agence nationale de la recherche (ANR) soutient également, via le PEPR Recyclage, des projets qui explorent des solutions innovantes pour améliorer la recyclabilité des matériaux, y compris dans les contextes scientifiques. Ces efforts montrent qu’une dynamique est en train de s’installer, bien que la structuration de filières adaptées au secteur reste à renforcer.
Une marge de progression… et des leviers concrets
Pour accompagner les laboratoires dans une gestion plus durable de leurs déchets, plusieurs pistes d’action émergent, à la fois techniques et organisationnelles. Le développement de filières de tri spécifiques pour les déchets plastiques ou chimiques de laboratoire est un premier levier important. Certaines structures, comme le CNRS ou l’INSERM, ont entamé des expérimentations en ce sens, en partenariat avec des prestataires spécialisés.
Le réemploi, quant à lui, gagne du terrain grâce à des initiatives locales ou inter-établissements : certains laboratoires mettent en place des inventaires de matériel interne, d’autres mutualisent leurs équipements via des réseaux régionaux. Des plateformes numériques, comme Recyclab, permettent aussi de faciliter ces échanges à plus grande échelle, notamment pour les équipements volumineux ou sous-utilisés.
Enfin, des démarches d’éco-achats s’appuyant sur des labels comme ACT (My Green Lab) se développent pour aider les équipes à choisir des consommables ou des appareils plus durables dès l’amont.
Ce sont autant de leviers qui montrent que l’économie circulaire appliquée au secteur scientifique ne repose pas uniquement sur des changements techniques, mais bien sur une évolution collective des pratiques — à l’échelle des institutions comme des équipes de terrain.
Conclusion
Le recyclage scientifique en France est encore jeune, mais les bases d’un changement structurel sont posées. Si les données spécifiques restent parfois difficiles à obtenir, la montée en puissance des initiatives, la mobilisation des acteurs et l’émergence d’outils concrets laissent entrevoir une évolution profonde des pratiques.
Chez Recyclab, nous sommes convaincus que chaque geste compte. Et que c’est en conjuguant engagement local, mutualisation des ressources et innovation pratique que les laboratoires pourront devenir des acteurs pleinement intégrés à l’économie circulaire.
Sources de l’article :
- Ministère de la Transition écologique – Bilan environnemental 2024 :
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr - Sénat – Note scientifique sur le recyclage des plastiques (2023) :
https://www.senat.fr - My Green Lab – Impact environnemental des laboratoires (2023) :
https://www.mygreenlab.org/ - Labos 1point5 – Réseau de scientifiques pour une recherche bas carbone :
https://labos1point5.org/ - PEPR Recyclage – Programme soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) :
https://anr.fr